AÉROSPATIALE (INDUSTRIE)

AÉROSPATIALE (INDUSTRIE)
AÉROSPATIALE (INDUSTRIE)

Parce qu’elle crée les véhicules de l’air et de l’espace, l’industrie aérospatiale conserve le prestige qui s’attachait déjà aux audacieuses réalisations de ses pionniers: Concorde ou la traversée de l’Atlantique en trois heures et demie, Apollo ou l’homme sur la Lune sont là pour en témoigner. Mais elle est aujourd’hui beaucoup plus: l’une des cinq ou six branches industrielles qui fondent l’indépendance et la prospérité d’une nation moderne.

La défense d’un pays fait appel non seulement aux avions de combat, mais aux hélicoptères et aux missiles pour des actions d’appui tactique, aux engins balistiques pour la dissuasion, et même depuis plusieurs années aux satellites pour la surveillance. La vie économique est, quant à elle, extraordinairement activée par le flux des passagers aériens, hommes d’affaires ou touristes, et par celui du fret aérien. L’hélicoptère civil a fait une percée remarquable, tant pour les actions d’assistance et les travaux pétroliers, notamment au large, que pour les travaux agricoles et forestiers. Les satellites sont devenus le moyen le plus puissant et le plus économique de télécommunications en tout genre, qu’il s’agisse de transmissions de données, de conversations téléphoniques ou de télévision. L’indépendance politique et économique d’un pays est donc étroitement liée à la libre disposition des produits de l’industrie aérospatiale; et le mieux, de ce point de vue, est d’être son propre fournisseur.

Cela suffirait à expliquer l’attention toute particulière portée à l’industrie aérospatiale par les gouvernements.

Cette industrie a été développée par toutes les nations modernes, à commencer par les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne. Et si deux grands pays industriels, l’Allemagne et le Japon, ont pu y paraître un peu moins actifs que dans d’autres branches, les contraintes imposées après la Seconde Guerre mondiale en sont la cause. Ils s’appliquent d’ailleurs à rattraper leur retard.

Mais il est d’autres raisons de s’attacher à la prospérité d’une industrie aérospatiale nationale. Cette industrie se maintient en effet au niveau mondial par un effort de recherche et de progrès permanent qui présente un potentiel considérable de retombées techniques et scientifiques, sans parler des incidences économiques. Par ailleurs, elle emploie, et pour cela forme, une grande quantité d’ingénieurs, techniciens, employés et ouvriers hautement qualifiés. Enfin, elle met au point des techniques nouvelles de gestion et de contrôle, exigées par la complexité de ses grands programmes. À partir de là, par le transfert de ses inventions, de sa technologie, de ses méthodes et de ses hommes, elle diffuse son dynamisme dans le tissu industriel du pays et le bénéfice qu’il en tire est inappréciable. Pratiquement toutes les branches sont touchées, directement ou indirectement: l’exemple le plus frappant est celui de l’informatique, dont les progrès ont été prodigieusement accélérés par les exigences des programmes spatiaux.

Il apparaît pourtant, au niveau de variété et de complexité atteint aujourd’hui, qu’il devient de plus en plus difficile pour un seul pays de couvrir l’ensemble de la gamme des productions aérospatiales. Les États-Unis en sont encore marginalement capables. La France et la Grande-Bretagne le seraient sans doute techniquement, mais le fardeau financier serait trop lourd. C’est pourquoi la coopération internationale s’est activement développée dès les années soixante-dix, en Europe surtout, mais aussi entre l’Europe et les États-Unis. Les meilleurs exemples en sont le groupement d’intérêt économique Airbus Industrie, créé entre des firmes de quatre pays européens pour promouvoir l’avion Airbus, et le groupement analogue de motoristes qui unit une société française et une société américaine.

Il est un autre domaine où la coopération devient nécessaire: celui de la recherche. En effet, les thèmes auxquels s’attaquent aujourd’hui les chercheurs requièrent la mise en œuvre de moyens importants. Il en est ainsi des souffleries qui fonctionnent simultanément, chacune explorant une partie du domaine des recherches en similitude (vols subsonique, supersonique, etc.), avec une plage de recouvrement des paramètres permettant l’étalonnage et la validation des résultats obtenus. L’analyse de ceux-ci nécessite la mise à disposition de calculateurs appartenant à divers centres de recherche. La coordination s’effectue par le truchement d’organismes scientifiques ou financiers multinationaux. Aussi, la Communauté économique européenne a donné successivement son aval à deux séries de programmes de recherches contenant des thèmes aéronautiques: Eureka et Brite Euram .

Les données statistiques sur l’effort technique et financier consenti pour le développement et l’industrialisation des productions aérospatiales représentent imparfaitement l’importance réelle de cette industrie. Elles ne tiennent pas compte de l’impact de l’effort entrepris sur l’activité industrielle et sur la vitalité commerciale des pays. Les chiffres sont néanmoins instructifs. Au niveau mondial, la production, dépassant 300 milliards de dollars en 1988, représentait moins de 1 p. 100 du produit national brut moyen; pour les États-Unis, ce chiffre avoisinait les 2,5 p. 100, pour la Grande-Bretagne, moins de 1 p. 100 et, pour la France, il dépassait les 3 p. 100. Les dépenses de recherche et de développement du domaine aérospatial représentent près de 20 p. 100 des dépenses nationales de recherche et de développement dans ces pays. En même temps, la qualification du personnel requis et la complexité du matériel qu’il utilise situent la profession au niveau le plus élevé des secteurs industriels. À titre d’exemple, le coût annuel moyen d’un chercheur de la branche aérospatiale, en 1985 aux États-Unis, s’évaluait à près de 170 000 dollars, soit 25 p. 100 de plus que le coût annuel moyen d’un chercheur de l’industrie.

En matière d’échanges internationaux, le commerce des produits aérospatiaux laisse aux pays précités un solde nettement positif: de 4 à 7 p. 100 des exportations, contre 1 ou 2 p. 100 des importations. Il faut retenir enfin que ce sont les avions issus de cette industrie qui, exploités par les compagnies aériennes, transportent plus d’un milliard de passagers par an; et qu’un autre milliard se déplace sur les hélicoptères et les avions de l’aviation générale, également sortis de ce secteur.

On constate à travers ces chiffres, au-delà de la fonction proprement industrielle, que l’industrie aérospatiale est un puissant générateur de recherche et un terme important de l’équilibre commercial des pays producteurs. Même si, de plus en plus, les pays clients demandent des compensations industrielles, sous forme de commandes passées par le pays vendeur: fabrication d’éléments d’avions, par exemple.

Dernière touche du panorama, l’industrie aérospatiale est un instrument de rayonnement. Vendre des avions et en suivre l’exploitation sur tous les continents, c’est y envoyer des hommes, commerçants, techniciens et autres représentants, ainsi qu’une cohorte de produits: c’est y exposer sa civilisation bien au-delà de son aspect technique et industriel. C’est aussi connaître les représentants de ces continents et leur civilisation, de sorte que les transferts ne sont jamais unilatéraux.

Source inégalable d’innovations techniques et de méthodes, industrie de prestige, l’industrie aérospatiale est un facteur privilégié de promotion pour les nations modernes. Source d’échanges et fournisseur de puissants moyens de développement, elle ouvre aux autres nations d’immenses perspectives.

1. Historique

Jusqu’en 1940, l’industrie aérospatiale était une branche industrielle secondaire par ses effectifs et son chiffre d’affaires, même si son importance militaire et commerciale n’avait pas échappé aux responsables. La Seconde Guerre mondiale l’a profondément marquée, avec des prolongements qui influencent encore grandement l’équilibre actuel. Les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et le Japon, ainsi que l’U.R.S.S. à un moindre degré, avaient développé une industrie aéronautique importante pour faire face aux besoins de la guerre. Après 1945, États-Unis et Grande-Bretagne opéraient une conversion partielle vers le civil, qui les plaçait en tête des pays aéronautiques, alors que le Japon et l’Allemagne voyaient leurs industries démantelées et leurs possibilités de développement très restreintes. Parallèlement, l’industrie française redémarrait. Dans les années qui ont suivi, la France d’abord, puis la R.F.A. et le Japon à partir de 1970, ont progressivement repris une part croissante de la production mondiale. Hors les pays de l’ancien bloc de l’Est, pour lesquels les statistiques ont toujours été très incertaines, cette évolution peut se résumer par le tableau 1 qui donne la production des pays cités en pourcentage de la production mondiale.

Tout en dominant toujours le marché occidental, les États-Unis voient leur part se restreindre progressivement, surtout au bénéfice de l’Europe. La part française connaît, depuis 1972, date d’apparition du premier type de la famille Airbus, une croissance régulière, ainsi que celle de la R.F.A. On peut également citer l’activité du reste du monde: d’Israël, du Brésil et, depuis peu, de l’Inde, de l’Indonésie et de la Chine. Ces pays rejoignent un groupe plus ancien composé de l’Italie, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, de la Belgique, de l’Espagne et de la Suède.

Le changement de répartition s’est accompagné d’une évolution considérable dans la nature des produits. Les avions à réaction ont remplacés les avions à piston, militaires d’abord puis civils, dont la productivité, accrue par des vitesses et des capacités plus grandes, l’a emporté très vite sur les marchés après 1960. Les missiles balistiques et les lanceurs spatiaux ont fait leur apparition : le premier satellite artificiel a été placé en orbite en 1957; puis, en vingt ans, on est passé de ce prototype expérimental aux satellites commerciaux. Les États-Unis et l’ex-Union soviétique ont déjà mis en orbite des stations habitées, dont les équipages et les scientifiques chargés d’un programme d’expérimentation en impesanteur sont relevés régulièrement.

Les crises pétrolières successives ont donné une nouvelle jeunesse aux appareils à turbopropulseurs qui, aujourd’hui, participent à la répartition des passagers, à partir ou vers des aérodromes secondaires, empruntant, pour la plus grande partie du trajet, les appareils à réaction de grande capacité. Ceux-ci sont généralement mis en ligne sur les grandes distances où le taux d’utilisation moyen dépasse les 12 heures par jour. Dernier développement, l’hélicoptère civil prend, depuis 1960, une part croissante du marché qui dépasse aujourd’hui celle de l’hélicoptère militaire. Plus généralement, les produits civils se développent plus vite que les produits militaires: le rapport en valeur des deux marchés était de 0,15 en 1960, 0,25 en 1970, 0,40 en 1980 et atteignait 0,51 en 1990.

Dans la constitution même des produits, les équipements et l’électronique ont pris une part croissante cependant que des matériaux nouveaux, le titane et les composites, venaient s’ajouter à l’acier et aux alliages légers.

2. Caractères généraux

Diversité des produits et des marchés

Les produits de l’industrie aérospatiale ont en commun d’être des véhicules aériens ou spatiaux, ou plutôt, de plus en plus, des systèmes portés par des véhicules aériens ou spatiaux: le degré d’équipement et le fonctionnement très sophistiqué font en effet que le véhicule, s’il reste le sous-ensemble principal, n’est plus l’objectif en soi. Mais c’est la parenté dans les conceptions et les technologies qui constitue le ciment de cette industrie, au milieu d’une grande diversité de produits.

En s’attachant aux matériels plutôt qu’aux distinctions de principe, et en les regroupant par familles, il convient de distinguer:

– les avions de transport civil et militaire;

– les avions de combat et d’entraînement;

– les avions légers (affaires, tourisme et sport);

– les hélicoptères;

– les missiles tactiques;

– les missiles balistiques et les lanceurs spatiaux;

– les satellites et les sondes spatiales.

Les avions de transport civil sont maintenant pour l’essentiel des avions à réaction subsoniques qui vont, en taille, du Fokker F 28 (33 t au décollage, 25 m d’envergure et 80 passagers) au B 747 (350 t, 60 m et 400 passagers) en passant par l’Airbus A 300 (165 t, 45 m et 260 passagers). Les tentatives pour construire des avions de transport supersoniques se sont traduites par une annulation: le projet américain; une expérimentation sans suite: le T 144 soviétique; un succès technique avec le Concorde franco-britannique, succès que la dégradation des conditions d’exploitation (coût du kérosène, restrictions de bruit) n’a pas permis de transformer en réussite commerciale. Les avions à turbopropulseurs ont des avantages économiques mais ne bénéficient pas de la faveur du public: en dehors des transporteurs locaux, leur développement reste limité (15 p. 100 de la flotte commerciale en 1988, contre 21 p. 100 en 1970). Ils sont mieux appréciés dans les transports militaires (Hercules américain, Transall franco-allemand), même si ceux-ci utilisent aussi des transports à réaction.

La gamme des avions de combat est également très large: intercepteurs, bombardiers, avions d’attaque au sol, allant de quelques tonnes (Alphajet) à 220 tonnes (B 52). Les clients sont les états-majors: leur souci est l’exécution de missions difficiles mais en nombre relativement limité. Il y a là une différence fondamentale de philosophie avec les compagnies aériennes, pour lesquelles l’objectif est de plus en plus de minimiser la somme des coûts d’un grand nombre de missions (de 10 000 à 30 000 vols), ce qui conduit à des produits de grande longévité, quitte à sacrifier un peu les performances.

L’aviation légère ou aviation générale s’étend du monomoteur d’aéro-club de quelques centaines de kilogrammes, doté d’un moteur d’une centaine de chevaux, au biréacteur d’affaires capable de transporter une dizaine de personnes sur plusieurs milliers de kilomètres.

Les hélicoptères couvrent une gamme de tailles voisine de celle de l’aviation générale, mais font appel à une architecture et à des techniques particulières. La clientèle est ici partagée entre les civils et les militaires et, avec quelques adaptations, le même appareil de base peut convenir aux deux familles d’utilisateurs.

De plus en plus fréquemment, les hélicoptères forment, avec les missiles tactiques et leurs moyens de guidage, des systèmes d’armes qui sont un tout et peuvent être considérés comme produit véritable: lorsque, par exemple, une armée achète à un constructeur un système antichar héliporté complet. Bien entendu, les missiles tactiques sont des produits en eux-mêmes qui peuvent être tirés non seulement à partir d’hélicoptères, mais aussi du sol, de véhicules blindés, d’avions ou de navires. La limite supérieure est atteinte avec les engins du type Pluton, capables d’envoyer une charge nucléaire tactique à plus de cent kilomètres.

Au-delà se trouve le domaine des lanceurs balistiques de moyenne portée et de longue portée qui peuvent envoyer les charges nucléaires stratégiques des forces de dissuasion à plusieurs milliers de kilomètres, soit à partir de bases terrestres, fixes ou mobiles, soit à partir de sous-marins. La rapidité de mise en œuvre requiert l’emploi de propulseurs à poudre. Au contraire, les lanceurs de satellites n’ont pas cette contrainte et disposent des temps de remplissage nécessaires; ils utilisent les propergols liquides, qui ont une meilleure impulsion spécifique. Hors ce point, lanceurs balistiques et lanceurs spatiaux sont des véhicules semblables utilisant le même type de trajectoires et de systèmes de guidage. La gamme s’étend de quelques tonnes à plusieurs milliers de tonnes.

Autre type de produits, les satellites et sondes spatiales ont des exigences particulières. La plupart opèrent dans le vide et de plus, sur leur orbite, la gravité est annulée par la force centrifuge. D’autres, comme les sondes envoyées sur Vénus, doivent supporter des pressions et des températures élevées, associées à une atmosphère corrosive.

Enfin, avec la navette spatiale, est apparu dans ce secteur un nouveau véhicule, mi-satellite, mi-avion. Ces produits principaux sont complétés par une innombrable variété de sous-ensembles: équipements de bord tels que pilotes automatiques, calculateurs embarqués, centrales inertielles, centrales anémométriques, etc., dont l’ensemble constitue une richesse unique dans une même branche industrielle. Le revers est que les séries sont courtes et qu’il est donc difficile de produire à bon marché. En arrondissant un peu les chiffres, l’automobile construit en un million d’exemplaires des appareils qui comportent mille pièces; l’aéronautique construit en mille exemplaires des appareils qui comportent sinon un million de pièces, du moins cent mille.

Technologie de pointe

La nature même de ses produits fait de l’industrie aérospatiale une industrie de pointe, à haut niveau technologique: la solution des problèmes posés implique le recours à des disciplines scientifiques et à des techniques très diverses, les plus récentes si l’on veut rester compétitif. L’industrie aérospatiale ne peut donc se développer que dans la mesure du développement général du pays concerné et en fonction de ce développement. Réciproquement, recherche et innovation sont pour elle des nécessités permanentes: il en résulte pour les autres branches industrielles et pour le niveau général technologique du pays un effet très bénéfique. D’ailleurs, toute grande industrie aérospatiale est associée à un grand organisme de recherche: la National Aeronautics and Space Administration (N.A.S.A.) aux États-Unis, le Royal Aircraft Establishment (R.A.E.) en Grande-Bretagne, l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (O.N.E.R.A.) en France.

Globalement, l’industrie aérospatiale a été la source de retombées techniques multiples, parmi lesquelles on peut citer:

– les progrès aérodynamiques dans l’automobile et les chemins de fer;

– les allègements du matériel dans ces mêmes industries, avec l’emploi d’alliages légers et de composites mis au point et commercialisés pour les constructions aérospatiales en premier lieu;

– le freinage par disques et la régulation hydro-électrique du freinage;

– plus généralement, les systèmes de commande asservis, rapides et précis;

– la compréhension des phénomènes thermo-dynamiques dans les moteurs, transposée ensuite aux installations terrestres et marines productrices d’énergie;

– le captage de l’énergie solaire et de l’énergie éolienne avec des rendements améliorés;

– une application ponctuelle mais d’importance, la déacidification des livres qui prolonge considérablement leur durée de vie dans les grandes bibliothèques;

– des applications plus générales et aux conséquences illimitées, la miniaturisation et la recherche d’une fiabilité toujours meilleure des composants électroniques, qui font l’objet d’une demande permanente et ont déterminé en grande partie les progrès de l’informatique et de la télématique.

Au-delà de la fiabilité des composants, la recherche de la sécurité est l’un des traits dont de nombreuses branches – à commencer par le nucléaire – s’inspirent de plus en plus. Ainsi, pour les avions de transport, la fréquence des pannes graves entraînant un accident est tombée au voisinage d’une pour un million d’heures de vol. Et, bien entendu, pour les vols des astronautes, le risque d’échec doit être réduit autant qu’il est humainement possible. Pour respecter ces exigences, l’industrie aérospatiale a mis au point des méthodes de contrôle et de gestion qui lui permettent par exemple de refaire, en cas de défaillance d’un élément, l’historique de cet élément quel qu’il soit parmi les milliers qui composent un lanceur ou un satellite. Elles permettent aussi de suivre en permanence la définition et les modifications des circuits électriques d’un type d’avion, composés de milliers de câbles et de prises électriques. Ces méthodes, reprises et étendues à d’autres domaines, ont été et sont encore la source de progrès considérables pour l’économie en général.

Hauts risques économiques

La longueur de leurs cycles et l’importance des sommes à engager font des programmes aéronautiques et spatiaux des opérations à haut risque économique. L’exemple type est celui de l’avion de transport. Un programme d’avion de transport est une entreprise d’une durée minimale de trente ans. D’abord, environ cinq ans de développement et d’industrialisation au cours desquels se font études, essais, approvisionnements des matières premières et des équipements, ainsi que la fabrication d’une bonne partie des outillages. Puis vient la phase de production, une quinzaine d’années en moyenne pour un modèle donné. Enfin, le soutien technique et les rechanges sont garantis pendant dix ans au moins après la sortie du dernier appareil. Pendant les premières années, les dépenses excèdent les recettes: dépenses de développement, coût des outillages, coût de démarrage dus à l’apprentissage nécessaire en début de série. Comme le prix de vente est aligné sur le prix de revient moyen, les premiers avions sont vendus à perte et le bénéfice n’apparaît que plus tard, en général aux environs du centième avion. Au total, un programme d’avion de transport présente un découvert pendant une dizaine d’années, avec un niveau de risque voisin de ce découvert. Le découvert maximal est de l’ordre du prix de cinquante à soixante appareils de série, soit dix à douze milliards de francs pour un programme du type Airbus (cf. figure).

Sans toujours mettre en œuvre des fonds aussi importants, tout programme aérospatial présente les mêmes caractères: long cycle, découvert prolongé et très important en regard des résultats escomptés. De plus, ces résultats sont aléatoires pour de multiples raisons:

– vigueur de la concurrence;

– aléas économiques et monétaires: en raison de la prédominance américaine, les marchés sont en général conclus en dollars américains avec des clauses de révision alignées sur les indices américains, ces clauses pouvant se révéler très défavorables;

– grande sensibilité à la conjoncture mondiale, économique et politique.

En fait, les constructeurs aéronautiques sont tous passés par des phases alternées de difficulté et de prospérité; avec comme conséquence de nombreux regroupements par fusion ou absorption. Et ce processus n’est pas terminé.

3. Importance stratégique

Défense

Les forces de défense d’un pays sont liées à ses capacités techniques, industrielles et financières: une véritable indépendance ne s’acquiert qu’en lui consacrant une part appréciable d’un potentiel dont, dans le monde contemporain, l’industrie aérospatiale constitue sans doute la principale composante. On la retrouve en effet partout: dans les forces de dissuasion avec les lanceurs balistiques, dans les forces terrestres classiques avec les missiles antichars et les missiles sol-air, dans les forces navales avec les missiles mer-mer et bien entendu dans les forces aériennes ou aéroportées.

Dans cette perspective, tous les pays industrialisés, chacun en fonction de ses capacités, ont développé une industrie aérospatiale d’armement. Les États-Unis et l’ex-U.R.S.S., se sont forgé seuls une panoplie complète. Viennent ensuite la France et la Grande-Bretagne, pas assez riches pour faire de même, mais où le souci de l’indépendance transparaît dans la politique suivie: on conserve à l’industrie nationale les composantes vitales (force de dissuasion en France, par exemple). Pour le reste, on admet de coopérer pour alléger les charges, mais en essayant de préserver au maximum la capacité nationale de réaliser des systèmes d’armes. La république fédérale d’Allemagne est le troisième partenaire de la coopération européenne, mais avec une vision différente du fait qu’elle n’a pas accès à la force de dissuasion nucléaire. D’autres pays, sans pouvoir prétendre à des gammes aussi complètes que les précédents, font un effort très important pour maintenir leurs capacités et produire des armements qui constituent un obstacle sérieux pour un adversaire éventuel. La Suède en est un bon exemple. Il s’agit en fait d’une forme de dissuasion.

Outre leurs besoins propres, les pays producteurs fabriquent pour vendre et les revenus de ces exportations contribuent à renforcer leur potentiel de défense en même temps que les liens ainsi formés sont un facteur d’influence politique.

Toutefois, les difficultés économiques ont poussé les grandes puissances à la réduction de leurs dépenses militaires. S’est ensuivie une révision des priorités. Les pays producteurs s’attachent à rechercher des coopérations sur des programmes spécifiques, dont la mise au point fait l’objet de compromis, mais qui offrent l’avantage de réduire le coût de développement supporté par chaque nation. Les accords généraux de désarmement conduisent, par ailleurs, à une limitation du nombre d’aéronefs militaires et, dans certains cas, à une accélération des programmes spatiaux, les satellites permettant de remplir automatiquement certaines fonctions auparavant dévolues aux aéronefs conventionnels.

Ainsi, de 1984 à 1989, 140 satellites (non compris ceux qui ont été lancés pour des missions spécifiquement militaires par les États-Unis, ou ceux de l’ex-Union soviétique ou de la Chine) ont été lancés: 58 par l’Amérique du Nord, 29 par l’Europe, 16 par des systèmes internationaux, les autres par divers pays. En France, la seule année 1990, par exemple, a vu la réalisation de 5 lancements réussis d’Ariane permettant la mise en orbite de 15 satellites.

La succession des accords amenuisant progressivement les forces en présence en des zones définies pourrait, à terme, modifier profondément les industries d’armement des pays industrialisés, et tisser un réseau de coopérations croisées, où le génie particulier d’un pays céderait la place à des structures plus lourdes, mais économiquement adaptées aux besoins d’une défense commune à un groupe d’États.

Exportations et retombées commerciales

Plus généralement, toute industrie aérospatiale est une industrie résolument exportatrice car sa compétitivité dépend de la place qu’elle peut prendre sur le marché mondial.

Cette compétitivité est d’ailleurs aiguillonnée par la concurrence. Quelques chiffres illustrent cet état de choses. La France exporte suivant les années de 50 à 60 p. 100 de sa production aérospatiale et ces exportations constituent environ 4 p. 100 de ses exportations totales et 18 p. 100 de ses exportations de biens d’équipement. Même aux États-Unis, et malgré l’importance du marché intérieur, les exportations atteignent un quart de la production et représentent 7 p. 100 des exportations totales du pays. Une autre caractéristique est la stabilisation des flux d’exportation. Certains produits à consommation rapide permettent difficilement de s’implanter de manière durable sur les marchés extérieurs. Au contraire les matériels aérospatiaux durent longtemps et sont générateurs d’échanges pendant toute leur vie: après les négociations de vente, viennent la formation des utilisateurs, les services après-vente, les rechanges, les réparations. Si la pénétration du marché est plus difficile et plus longue que pour d’autres produits, les positions acquises sont plus durables et le courant d’échanges institué peut avoir d’autres retombées commerciales, et, au-delà, des retombées culturelles et de prestige.

Retombées industrielles

Les progrès de la branche aérospatiale s’accompagnent de retombées industrielles dans les autres branches. Par ses commandes aux fournisseurs de matières premières et d’équipements, par les sous-traitances qu’elle passe aux entreprises d’autres secteurs ou même du secteur aérospatial, elle contribue au renforcement du tissu industriel qui l’entoure et le fait évoluer vers une plus grande technicité. Elle impose en effet aux entreprises intéressées de se tenir à jour des techniques les plus modernes et d’acquérir des habitudes strictes en matière de qualité. C’est ainsi par exemple que l’introduction des machines à commandes numériques a été amorcée en France par le programme Concorde. Ces exigences diffusent progressivement mais sûrement dans toute l’industrie, leur extension étant surtout ralentie par les coûts supplémentaires qu’elles entraînent au début. Les technologies d’origine aérospatiale diffusent également, comme il a déjà été indiqué, vers d’autres secteurs.

Rôle de l’État

L’importance stratégique de l’industrie aérospatiale est telle que l’intervention de l’État, directe ou indirecte, est inévitable. En raison du rôle joué par la Défense, l’État exerce au moins une tutelle quand il n’est pas le principal actionnaire. Il est le premier client. Il est une source importante de financement.

L’État a toute latitude d’orienter les programmes par les commandes qu’il passe et par le contrôle qu’il exerce sur le financement et sur les exportations. Il faut toutefois distinguer les deux domaines militaire et civil. Dans le domaine militaire, il est demandé à l’industrie nationale de satisfaire d’abord les besoins nationaux. Pour cela, l’État finance les programmes et l’exportation n’intervient qu’à titre complémentaire, sauf de rares exceptions. Au contraire, les programmes civils, même si leur lancement est soutenu par des avances remboursables consenties par les États, ont pour objectif de s’équilibrer financièrement par les recettes des clients civils. L’exportation devient alors un élément fondamental de l’équilibre, en particulier pour les pays européens dont les marchés intérieurs sont de faible dimension. C’est en partie pour améliorer leur position en face de ce problème qu’avec l’approbation des États les firmes européennes ont établi une large coopération.

4. Les puissances aérospatiales

Trois grands centres regroupent l’essentiel de l’industrie aérospatiale (tabl. 1): les États-Unis d’Amérique, l’Europe occidentale et l’ex-U.R.S.S. Dans la revue de ces puissances, deux difficultés: d’une part, connaître et présenter en termes comparables à ceux des pays occidentaux l’industrie soviétique, d’autre part présenter l’industrie européenne qui, malgré la coopération, est une juxtaposition d’industries nationales.

États-Unis

Malgré une décroissance relative depuis les années soixante-dix, les États-Unis restent et de loin le premier producteur (55 p. 100 du monde occidental) et le premier marché (60 p. 100 du monde occidental). Après une longue période de croissance, terminée avec la prospérité exceptionnelle de l’année 1968, est venue une récession sévère. À peu près stabilisé en 1972, le niveau d’activité s’est ensuite maintenu jusqu’en 1977, pour croître jusqu’en 1982. Une nouvelle crise a freiné brutalement l’augmentation régulière des commandes. Celles-ci ont, à nouveau, augmenté à partir de 1986, pour rapidement atteindre des niveaux hors de proportion avec les possibilités des chaînes de fabrication. Alors que les commandes mondiales d’avions à turboréacteurs enregistrées en 1984 atteignaient 357 appareils dont 11 avions cargos, elles passaient à 1 115 dont 27 avions cargos pour l’année 1988. Le tableau 2 résume vingt années de l’industrie aérospatiale américaine: il donne, pour les années marquantes, celles où la tendance s’est infléchie, les chiffres essentiels.

L’examen de ce tableau révèle la part prépondérante prise par les aéronefs – et surtout les avions – dans la récession puis dans la reprise. Une analyse plus détaillée révélerait que la récession de 1969 résulte à la fois de commandes gouvernementales réduites pour les avions militaires et de commandes moindres des compagnies aériennes. La reprise de 1978 est due uniquement aux aéronefs civils, notamment les turboréacteurs. Le bouleversement qui a agité les compagnies aériennes nord-américaines, à la suite de divers mouvements sociaux et après un changement d’optique de la Federal Administration, a donné un coup de frein au renouvellement des flottes civiles. La croissance modeste du trafic laissait alors prévoir une stabilisation à court terme. L’atténuation progressive d’une crise économique moins violente que la précédente a permis la reprise du trafic, stabilisé à + 5 p. 100, après une pointe à + 7 p. 100 constatée en 1987. Les compagnies aériennes ont aussitôt entrepris le renouvellement rapide du parc aérien, d’autant que des gains de productivité importants étaient enregistrés, grâce à la mise en œuvre d’appareils de nouvelle technologie, intégrant les progrès spectaculaires de l’avionique et de l’aérodynamique. L’évolution à moyen terme reste cependant difficile à cerner, par suite des incertitudes liées à la politique de recherche pétrolière et au règlement du délicat problème de la dette extérieure. Les principales firmes américaines sont répertoriées dans le tableau 3.

L’ex-U.R.S.S.

Les renseignements fiables et comparables aux données occidentales manquent pour l’ex-U.R.S.S. L’importance de la flotte de transport (environ 100 millions de passagers transportés annuellement), de son armement et de ses exportations d’armes permet toutefois de situer son industrie au deuxième rang, après celle des États-Unis. Son effectif serait, à la fin des années quatre-vingt, voisin de un million de personnes. Il est exclu d’établir un chiffre d’affaires au sens occidental du terme. En 1980, la production se serait montée à environ 1 800 avions, principalement militaires, quelque 700 hélicoptères, 600 missiles balistiques et 50 000 missiles tactiques.

Au moins dans le principe, il n’a jamais existé de firmes au sens occidental et l’association des bureaux d’études et des usines de production n’est pas permanente comme chez les grands producteurs occidentaux. Aussi est-il plus logique de citer les principales lignes de produits:

– avions de transport Antonov, Iliouchine, Tupolev (dont le supersonique Tu 144), Yakovlev;

– avions de combat ou de bombardement, Mikoyan (les Mig), Sukhoi, Tupolev, Yakovlev;

– hélicoptères Kamov et Mil;

– missiles balistiques SS (lancés du sol) et SSN (lancés de sous-marins), intercontinentaux ou à moyenne portée comme les SS 20;

– missiles tactiques en tout genre: sol-air, air-air, air-sol, et sol-sol antichars, dont les plus connus sont les sol-air SAM.

France

Avec près de 20 p. 100 de la production occidentale, l’industrie française a pris, à la fin de la décennie de 1970, le troisième rang mondial et n’a cessé depuis lors d’augmenter sa part du marché. Comme pour l’activité aux États-Unis, son évolution peut se résumer par les chiffres caractéristiques des années qui ont marqué un changement de tendance (tabl. 4). En 1988, les exportations aérospatiales avoisinaient 20 p. 100 des exportations totales de la France, et les commandes déjà enregistrées permettent de penser que cette situation va persister pendant plusieurs années.

L’industrie française a moins souffert que l’industrie américaine de la récession de 1969, avec un recul de quelques pour-cent au lieu de 40 p. 100, et une reprise plus rapide. Puis, au lieu de marquer le pas de 1972 à 1977, son chiffre d’affaires a continué de progresser, malgré un effectif à peu près constant.

La reprise des ventes des avions civils, en 1978, a permis d’atteindre, en 1980 et en 1981, des niveaux records tant pour les effectifs que pour les ventes. Toutefois, alors que les effectifs ont augmenté régulièrement pour atteindre 127 000 en 1983, contre 106 000 en 1979, les ventes se sont amenuisées progressivement, provoquant une situation très difficile de 1985 à 1988. Depuis lors, la reprise des commandes, suivie de celle des livraisons, a permis de retrouver un rythme de croissance dépassant les 7 p. 100. La part exportée est passée de 40 p. 100 en 1970 à 59 p. 100 en 1980, et atteignait 60 p. 100 en 1988. Les livraisons civiles représentaient alors 47 p. 100 du chiffre d’affaires, alors que, pendant les vingt années précédentes, la répartition était restée relativement stable, avec environ 30 p. 100 pour le secteur civil. Cette variation est encore plus significative pour les commandes, qui portaient sur 51,2 p. 100 pour la part civile, le militaire passant pour la première fois en dessous de la barre des 50 p. 100.

Le marché intérieur représente, malgré les besoins miliaires nationaux, une part de plus en plus faible du marché global. Cette situation pousse naturellement à rechercher la consolidation d’une partie des exportations par la coopération internationale. Celle-ci apporte la stabilité nécessaire aux programmes industriels, comme en témoignent notamment les groupements d’intérêts économiques: Airbus Industrie et Avions de transport régional (A.T.R.) pour les avions; G.R.T.S., regroupant la S.N.E.C.M.A., Turbomeca et les sociétés allemandes M.T.U. et K.H.D., ou le groupement Turbomeca-Rolls-Royce-M.T.U. pour les moteurs; Eurocopter, Euromissiles, Arianespace, respectivement pour les hélicoptères, les missiles et les lanceurs.

Ces coopérations, dans lesquelles la société Aérospatiale s’est engagée dès le début des années soixante-dix, se sont multipliées. Elles concernent non seulement les secteurs des aéronefs, des engins et des satellites, mais aussi les propulseurs et les équipements, et commencent à atteindre les industries situées en amont ou connexes.

Grande-Bretagne

L’industrie britannique a été considérablement développée par les besoins de la Seconde Guerre mondiale. En 1960, elle devançait encore largement toutes les autres industries, États-Unis et U.R.S.S. exceptés. Elle produisait en fait autant que toutes ces industries réunies, soit environ 8 p. 100 de la production occidentale. Après avoir décru jusqu’à 6 p. 100, sa part relative, comparable à celle de la France, atteignait, en 1980, 10 p. 100.

L’effectif est passé de 300 000 personnes en 1960 à un peu plus de 200 000 en 1970 et s’est maintenu à ce niveau: 205 000 en 1979. Il reste stable en dépit des divers regroupements industriels, nés d’une variation de la politique économique du pays et de difficultés industrielles, amenant, dans certains secteurs, à l’entrée de capitaux privés ou à la participation de firmes étrangères dans les sociétés britanniques. Le tableau 6 répertorie les principales firmes britanniques en 1988.

Allemagne

L’industrie allemande, dont l’activité avait été strictement limitée après la Seconde Guerre mondiale, s’est reconstruite de 1960 à 1970, en réalisant principalement des travaux sous licence. Ses effectifs sont alors passés de 17 000 à 63 000 personnes. Après 1970, son développement s’est fondé sur des programmes nationaux et des programmes en coopération; alors que les effectifs restaient voisins de 60 000 personnes, l’expansion s’est traduite par un chiffre d’affaires en accroissement, de 3 à 7 milliards de deutsche Mark entre 1970 et 1980.

À la fin des années quatre-vingt, la république fédérale d’Allemagne occupait le troisième rang européen, avec plus de 85 000 personnes et un chiffre d’affaires avoisinant 20 milliards de deutsche Mark, dont 50 p. 100 à l’exportation. Les principales firmes sont en cours de réorganisation sous le contrôle du groupe Daimler-Benz, afin de former une entité comparable dans sa structure aux autres groupes aéronautiques européens. Les sociétés ont gardé pour l’instant leur identité propre:

– M.B.B., qui résulte de la fusion de Messerschmitt, Bölkow et Blöhm, compte un effectif de 40 000 personnes pour un chiffre d’affaires de 7 milliards de deutsche Mark. Sa participation au programme Airbus, qui emploie plus de 14 000 personnes réparties dans six usines, représente environ 60 p. 100 de l’activité de cette firme, qui construit ou répare les appareils militaires en coopération européenne, les hélicoptères, les engins et les produits de l’espace.

– Dornier, filiale à 66,6 p. 100 de DaimlerBenz depuis 1985, occupe près de 9 000 personnes, pour un chiffre d’affaires de plus de 2 milliards de deutsche Mark, dont 65 p. 100 à l’exportation, dans le domaine des aéronefs civils et militaires, des missiles et des produits de l’espace.

– M.T.U. (Motoren und Turbinen Union) est spécialisée dans la construction des moteurs de tous types, y compris les turbines pour hélicoptères, en participation européenne. Elle réalise un chiffre d’affaires de plus de 3 milliards de deutsche Mark, avec près de 17 500 personnes.

Japon

Après avoir compté un million de personnes en économie de guerre, l’industrie japonaise a été réduite à néant en 1945 et n’a repris qu’une activité modeste dans les années cinquante. L’activité est assez dispersée, mais on retrouve les noms de grands groupes industriels dotés d’une division aérospatiale: Mitsubishi et Kawasaki par exemple (tabl. 7). Cette activité couvre la production de petits appareils civils et militaires, un programme spatial national, et des sous-traitances de grands programmes américains. Les industriels japonais souhaitent s’intégrer dans de grands programmes à titre de coopérants et les divisions concernées bénéficient dans cette entreprise de l’image et de la solidité de leur groupe.

L’industrie aérospatiale japonaise a produit, en 1988, pour 5 milliards de dollars, à 80 p. 100 pour les besoins militaires nationaux, en employant 27 000 personnes. Bien que la production soit orientée surtout vers la fabrication sous licence de produits américains, l’effort des constructeurs pousse à la réalisation de matériels nationaux, notamment pour l’espace, ce dernier secteur employant 9 000 personnes et disposant de crédits gouvernementaux qui dépassent les 6 milliards de dollars en 1988.

Canada

Dernière à dépasser, de justesse, 2 milliards de dollars de chiffre d’affaires, l’industrie canadienne semble posséder de bons atouts pour l’avenir. Elle s’occupe pour l’essentiel du secteur civil qui a, malgré des difficultés passagères, un taux de croissance plus élevé que le secteur militaire à l’échelle mondiale. Elle est soutenue par ses pouvoirs publics et présente des programmes originaux, bien adaptés à sa taille et au marché. Canadair, De Havilland et Pratt & Withney Canada sont les principales firmes d’une industrie qui comptait plus de 50 000 personnes en 1987.

Deuxième utilisateur d’aéronefs du monde occidental, le Canada a cherché à accroître son potentiel aéronautique par le jeu des subventions gouvernementales. C’est ainsi qu’en 1984 la société Bell a été choisie pour le développement d’une industrie canadienne des hélicoptères. Parallèlement, la société De Havilland Canada, privatisée en 1986, est devenue une division de Boeing. Le plus grand succès d’une telle politique semble être celui du motoriste Pratt & Whitney Canada qui, avec un chiffre d’affaires de plus de 800 millions de dollars américains pour près de 9 000 personnes, a réussi à s’implanter de manière quasi exclusive sur le marché des turbines à gaz de faible puissance.

5. La coopération internationale

La coopération s’est développée surtout depuis 1970 pour les raisons déjà évoquées, que l’on peut résumer ainsi:

– débouchés plus vastes et plus stables;

– séries plus longues et prix de revient moins élevés, améliorant la compétitivité;

– échanges d’idées, d’expérience et de savoirfaire profitables aux partenaires pour rester à l’avant-garde du progrès technique;

– plus généralement, développement des échanges internationaux.

Les difficultés telles qu’intérêts nationaux divergents, réglementations différentes, lenteur des prises de décision collectives ont pu freiner le processus de coopération internationale, mais elles ne l’ont pas arrêté. Il faut toutefois reconnaître que, hors la coopération européenne, les progrès sont lents, malgré quelques exceptions notables: S.N.E.C.M.A.General Electric sur les moteurs, Aérospatiale-Hughes-Boeing sur le missile Roland, par exemple, et aussi l’accord entre la N.A.S.A., responsable américain de la navette spatiale, et l’Agence spatiale européenne, responsable du laboratoire spatial Spacelab, dont la réalisation a pour chef de file M.B.B.

La politique d’armement dite «two way street» qui devait compenser les approvisionnements de l’Europe occidentale aux États-Unis par un flux en sens inverse ne se concrétise guère.

La situation a évolué plus rapidement à l’intérieur de l’Europe où plus de vingt grands programmes ont été lancés en coopération (tabl. 8). Il y a deux raisons principales à cela: chaque pays européen a besoin d’étendre son marché national et les pays voisins lui offrent un prolongement sûr en cas de coopération; l’équilibre entre pays européens est facile à réaliser car les partenaires ont des puissances économiques et des niveaux techniques voisins.

La coopération devrait s’intensifier dans l’avenir, surtout au-delà de l’Europe. Avec les États-Unis d’abord car des liens sérieux existent déjà. Avec les pays en voie de développement aussi. Ces pays ont l’ambition de créer une industrie aéronautique et la coopération sous ses différentes formes est un moyen efficace de progresser. Le Brésil, l’Inde et l’Indonésie, par exemple, ont déjà d’importants programmes en cours.

Même si cela ne se fait pas sans péripéties, la coopération devrait étendre progressivement son domaine, avec d’ailleurs des conséquences sur les relations internationales qui déborderont de beaucoup le cadre de l’industrie aérospatiale: transfert de technologies applicables à d’autres branches, développement des échanges commerciaux et culturels, le tout bien plus avancé qu’avec les pays simplement clients.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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